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Je sais par expérience qu'une des choses les plus impressionnantes pour le passager d'un pilote confirmé est le retard insupportable que celui-ci met à se décider à appuyer sur la pédale de frein à l'approche d'un virage ;

Je me vois encore, dans les années 80, sur le circuit d'essai de l'usine Porsche en Allemagne, circuit très impressionnant par ses montées ses descentes et ses virages aveugles, passager d'un pilote d'essai d'usine.

A l'approche d'une grande courbe à droite, mon pied droit appuyait déjà vigoureusement sur le plancher espérant peut être inconsciemment influencer mon pilote quand celui-ci passa le rapport supérieur en continuant d'accélérer à fond pour finalement, au bout d'un temps qui me paru fort long sauter enfin sur le frein.

Oui le freinage est un chapitre important du pilotage, déjà impressionnant sur nos voitures de série il l'est infiniment plus au volant d'une monoplace.

A Nogaro par exemple, au bout de la ligne droite une 996 à 210 km/h freine à 120 mètres, une Ligier dans les années 80 à 280 km/h freinait à 80 mètres.

Lors de la journée " école de pilotage " du 14 Juin 2003 à Nogaro Jean-Pierre Pla qui dirigeait le stage, a consacré le premier exercice pratique au freinage, en procédant comme suit.

Au beau milieu de la ligne droite de l'aviation et sans que la nécessité, comme l'approche d'un virage par exemple, ne l'impose, il a déposé une quille matérialisant le point précis où il fallait attaquer un freinage maximum.

A cet endroit le pied droit du conducteur, à fond sur l'accélérateur devait se retrouver à fond sur le frein.

Jean Pierre Pla indiquait qu'il s'agissait d'obtenir un freinage maximum jusqu'à 40, 50 km/h, l'arrêt complet ne présentant pas d'intérêt sur un circuit.

L'exercice paraissait simple à priori, d'autant plus que la plus part des participants à ce stage disposaient de véhicules équipés d'ABS, donc pas de soucis de blocage de roues et de dosage.

Pourtant il a bien fallu une dizaine de passages pour un bon résultat car il n'est pas évident du tout, contrairement à ce que l'on pourrait croire, de réussir cet exercice.

La plus part des erreurs observées étant : un lever de pied de l'accélérateur bien avant l'attaque du freinage, un freinage avant ou après la quille et enfin une intensité de freinage trop faible.

La maîtrise de la précision recherchée dans cet exercice est primordiale.

Comment progresser sur la recherche du point de freinage optimum si l'on n'est pas sur de respecter le nouveau repère modifié du tour précédent lui-même peu fiable ?

Comment aller chercher la limite si l'on n'est pas certain de la situer parfaitement ?

Deux erreurs sont possibles :

* le freinage trop tard : prenez l'échappatoire s'il y en a une, sinon ce sera au mieux le passage en " vrac " dans le virage, mais il y a quand même la technique de " la trajectoire d'urgence ".

* le freinage trop tôt c'est moins grave mais pénalisant. Mais dans quelles proportions ? J'étais curieux de le savoir avec précision, c'est pour cela que je me suis livré au calcul suivant que je vous soumets, s'il vous intéresse.

Comparaison entre un freinage " à point " et un freinage " trop tôt "

Nous ne parlerons pas du " bleu " avec roue bloquée et fumée (non, pas fumet) de la même couleur, pas plus que du saignant.

Hypothèses retenues dans les deux cas : vitesse 200 km/h soit 55.56 m/s, arrivée sur un droite assez serré qui passe à 80 km/h soit 22.2 m/s.

C'est à peu près la situation devant laquelle on se trouve au bout de la ligne droite de l'aviation à Nogaro.

Vérifions si un freinage à 130 mètres est suffisant.

Il faut passer de 55 à 22.2 m/s, donc perdre 32.8 m/s.

Admettons que la décélération est constante, la vitesse moyenne est de 38.6 m/s, le temps de parcours des 130 m est de 130/38.6 = 3.37 secondes et donc la décélération de 32.8/3.37 = 9.73 m/s/s soit en gros 1 G, chiffre que l'on peut retrouver avec les distances d'arrêt à 130 km/h relevées généralement dans les essais.

On retient donc que l'on met 3.37 s pour les 130 mètres avant le point de braquage.

Comparons donc maintenant avec un freinage " trop tôt " par exemple de 1 seconde, soit 55 m, la distance à parcourir est de 55 + 130 = 185 m, temps de parcours185/38.6 = 4.79 s, alors que pour le même parcours de 55+130 m, tout à l'heure le temps était de 1 + 3.37 = 4.37 s

Freiner 1 seconde trop tôt entraîne donc théoriquement dans ce cas précis une perte de 4.2 dixièmes, ce qui est conséquent (il y a 10 freinages par tour à Nogaro, pas aussi pénalisants il est vrai)

Mais les effets ne s'arrêtent pas la, nous avons supposé que le pilote modérait son freinage pour finir au point de corde à 22 m/s, alors qu'il y a tout lieu de penser, comme nous n'avons pas à faire à un téméraire, qu'il va freiner tout aussi fort que notre pilote du freinage à point et qu'il peut alors se retrouver, par le crédit de sa seconde de précipitation, à 22.2 - 9.73 = 12.47 m/s soit à 45 km/h( au lieu de 80 ) avec deux conséquences désastreuses qui peuvent de plus se combiner :

* sentant trop lent, être tenté de réaccélerer au point de braquage alors qu'il faut dans ce type de virage serré rentrer sur les freins : risque de tout droit ou au moins de louper le point de corde.

* passer trop lentement le virage et donc perdre du temps dans celui-ci et garder cet handicap jusqu'au prochain freinage.

Comme la calculette est encore allumée chiffrons cet handicap en fixant à 200 m la distance du point de braquage au prochain freinage (à Nogaro pour nous amener au gauche serré) en s'accordant tout de même un petit progrès au freinage, disons cette fois çi une demi seconde avant le freinage " à point " pour la valeur de l'accélération dans cette zone de vitesse on peut prendre 2.5 m/s/s d'après les courbes des notices de la 996,je ne dispose pas des courbes de vitesse en fonction de la distance et je ne dispose plus des souvenirs du calcul intégral (j'accepte et je souhaite de l'aide avec plaisir), aussi je vous livre le résultat d'un calcul graphique :

Temps du parcours 157.5 m avant le point de braquage + les 200 m qui suivent

Freinage à point : 10.4 secondes

Freinage 0.5 seconde trop tôt : 11.72 secondes

Perte : 1.32 seconde !

Combien la condition d'apprentis pilote est difficile, j'en prends à l'instant encore plus conscience, confortant ma conviction que le pilotage est pour beaucoup dans une extrême précision.

Quand saurais je maîtriser mon freinage pour le terminer, à l'entrée d'un virage serré, juste ce qu'il faut après le point de braquage pour que l'auto tourne toute seule... ?

Nota : ce texte n'a que la prétention d'une réflexion sujette à observations, commentaires, rectifications. Merci d'avance.

Michel G